Comment transformer une petite maison sur la plage en maison sur la plage digne des plus belles résidences de plage ? C’est le défi fou que l’on s’était lancé moi et Flynn, pour enfin avoir notre petit sanctuaire d’amour dans un coin tranquille de l’Ile mais pas loin de toutes les animations. Bon c’est vrai pour le gros œuvre, on avait laissé faire des professionnels mais pour le reste, on s’en était occupé. Petit à petit, l’oiseau fait son nid. A l’écart du monde, sans trop l’être.

C’était encore une époque où la discorde ne nous avait pas encore approchée. Une époque, dans laquelle notre amour était une fleur d’une beauté éternelle et d’une intensité folle. On s’en moquait du regard des badauds qui nous voyait nous aimer sur la plage où ailleurs. Nous étions encore à une époque où les corps n’étaient pas une chose taboue. Les années 80 avaient vraiment du bon. Je me souviens d’une fois où l’intérieur de la maison n’avait pas encore ses meubles, et nous nous étions aimés là sur un matelas sans aucun linge de maison, ne pouvant plus résister aux pulsions de nos deux corps. Oui, je sais, nous ne pensions qu’à ça direz-vous, ou presque. Je n’ai pas honte de dire que ça faisait une bonne partie de nos occupations, il est vrai. Mais nous autres les vampires, nous n’avons guère les mêmes tourments que les mortels.

Il nous aura fallu une année de plus, pour que notre petit nid soit terminé. Il manquait du fignolage, mais elle nous plaisait ainsi. Nous avons fait notre crémaillère, tous les deux, sur la plage. Et le lendemain, on a repris le boulot, on a retravaillé les fignolages, réaménagé certaines choses.

Quand je me réveille, nous sommes sur la terrasse, dans la balancelle, enchevêtrés l’un contre l’autre. Avec un simple drap qui nous recouvrait tous les deux. J’aime toujours le regarder dormir, les rares fois que je peux me le permettre, mais à cette époque, je me rinçais l’œil attendrie, folle amoureuse, ne rêvant que de sentir à nouveau sa peau sur la mienne. Je ne pesais pas mes mots quand je disais que notre relation était dévorante, passionnée, irraisonnée, physique… Sans limites…

Ses yeux verts. Que je n’aurai pas supporté de voir s’éteindre à plusieurs reprises. Ses yeux verts, qui pourraient me demander la lune que je l’arracherai au firmament. Ce firmament que l’on visite si souvent, que je pourrais presque connaître le nom de toutes les étoiles qui le compose.

Je ne regrettais, et je ne regrette pas, d’avoir uni ma vie à la sienne avant la Seconde Guerre Mondiale. Pour le commun des mortels, ces années de disparition m’avaient libéré de notre mariage, mais pour nous, il n’y avait pas eu de fin. Nous étions toujours unis pour l’éternité, et même aujourd’hui, une partie de moi l’est toujours, malgré la présence de Constantine. Que voulez-vous, quand on a vécu plus d’un siècle avec quelqu’un, il y a des sentiments qui sont indélébiles.

Il se réveille, dommage, j’aime bien le regarder dormir. Ses yeux verts m’envoûtent, me transportent si loin de moi-même. Il me demande ce que je manigance. Disons que mon cerveau n’était pas du tout connecté sur la station idée derrière la tête. Je fais non de la tête.

- Pour une fois… Je ne manigance rien… Je me rince l’œil…

Je me blottis un peu plus contre lui, avant de me redresser pour atteindre ses lèvres sur lesquelles je dépose un tendre baiser.

- Bonjour ?

Je regarde le ciel et la couleur de la mer. On est plus le matin, mais le midi avancé. Je me lève délicatement, laissant mon corps révéler sa nudité et j’avance vers la plage, en lui laissant bien le temps d’admirer le paysage. L’air est chaud, sans être étouffant, au bout de quelques secondes, je finis par arriver au niveau de la mer. Je fais encore quelques pas, je me retourne, je lui offre mon plus beau sourire, avant de plonger dans une vague.

Je l'entendais, mais j'avais un plan. Un plan pour qu'il finisse dans la flotte, aussi mouillé que moi. Mais il n'était pas encore assez loin dans l'eau pour que je tente quoique ce soit. Je n'étais pas loin de lui, oh que non, mais suffisamment pour qu'il ne me sente pas nager. Ma nature de vampire me permettait de retenir ma respiration plus longtemps que les humains, mais cela, peu de personnes étaient au courant. Je souris, je suis complètement dingue de lui. J'ai bien fait de lui sauver la vie ce jour-là, sans me douter que notre relation serait aussi fusionnelle.

Il avança plus près, je souris un peu plus, il ne se doutait pas de ce que j'avais derrière la tête. Mais je sentis tout de même une pointe d'inquiétude dans sa voix. Allez, un peu plus près et tu vas finir à l'eau !

Je le vois avancer progressivement, très lentement, trop lentement. Allez, un peu de magie n'a jamais tué personne. Ou presque. Alors je laisse les vagues s'intensifier, de telle sorte qu'il se retrouve avec de l'eau jusqu'à la taille. Une nouvelle vague bien placée et il finit à l'eau. Une fois sous l'eau j'arrive à sa hauteur et je l'embrasse après lui avoir fait un clin d'oeil malicieux. Quand on remonte, on est un peu plus loin de la berge, une fois que le sortilège s'est arrêté. Vu sa taille, il a l'eau qui lui arrive jusqu'en haut de la taille, tandis que moi, je n'ai pas tellement pied. Je viens donc tout naturellement me blottir contre lui.

- Sans rancune Namour ? Pour la fois où tu m'as si gentiment poussé dans un lac, il y a quelques semaines !

Ne lui laissant guère le temps de répondre, je l'embrasse tendrement. J'espère qu'il ne m'en veut pas trop de l'avoir trempé comme une soupe, mais l'océan c'est tellement plus beau à deux !